mardi 24 novembre 2015

Y'all doing good, folks ? - km 5460 à 6268

Lorsque nous étions à Austin, nous sommes restés toute la journée à nous reposer. François a aussi échangé nos pneus avant et arrière. Celui de derrière était pas mal plus usé que celui de devant à cause du poids plus important des sacoches d’en arrière. Le soir venu, nous sommes sortis manger des tacos en ville avec nos amis cyclistes de WarmShower. Austin est la ville des tacos, il s’en vend partout. Austin, c’est aussi la ville de la musique. Il y avait justement un spectacle à l’endroit où nous sommes allés manger et prendre une bière. Ce n’était pas un groupe de musique traditionnel : il y avait un accordéon, un banjo, une flûte traversière, un violon, un tuba et une clarinette. C’était de la musique très entraînante pour un souper texan !

Le matin du 14 novembre, nous sommes lents à partir. C’est vers 12h30 que nous prenons la route qui nous mènera jusqu’à Cedar Creek. Ce sera la première journée pluvieuse que nous aurons depuis deux semaines. Ariane va rouler sur un clou d’un pouce de long et donc faire sa troisième crevaison. Par chance, il ne pleuvait plus à ce moment là ! Nous nous installerons sous l’auvent d’une église, avec en prime une table à pique-nique. Nous venions à peine de nous asseoir et de commencer nos étirements qu’un monsieur se stationne en face de l’église et se dirige vers nous. C’est un samedi soir et nous sommes surpris qu’un homme d’église soit présent en ces lieux à cette heure. Nous ne voulons surtout pas déranger ou être à des endroits où nous ne sommes pas les bienvenus. Mais au contraire, le monsieur nous pose des questions sur notre périple et nous propose de nous installer à l’intérieur de la chapelle. Il y a un salon, des divans, une cuisine avec un four et un réfrigérateur. Et des douches :) C’est donc au chaud et au sec que nous passerons cette première nuit depuis Austin.


On se lève tôt, à 6h pour une journée qui ne sera pas la plus plaisante à pédaler, loin de là. L’accotement est très étroit et parfois, inexistant. Nous sommes sur une route assez achalandée et les voitures roulent vite. Elles nous frôlent et nous signalent que nous dérangeons. Pourtant, il n’y a pas des millions de choix de routes. Nous pouvons emprunter l’autoroute dite «Freeway» où la limite de vitesse est de 70 à 80 miles à l’heure (environ 110 à 120 km/h). C’est très bruyant, il y a beaucoup de traffic, mais aussi beaucoup (trop) de camions. Sinon, il y a les autoroutes dites «Highway» où la limite est plus basse, souvent de 55 à 65 miles à l’heure (environ 90 à 105 km/h). Il y a moins de circulation, mais il n’y a seulement qu’une ou deux voies. En dernier recours, nous pouvons emprunter les petites routes de campagne sans accotement et avec de nombreux détours, où il n’y a même pas de ligne jaune au milieu et où les camions de fermiers et les tracteurs roulent. Parfois, on a l’impression de déranger. Nous choisissons l’autoroute dite «highway» et nous passons un mauvais quart  d’heure, surtout vers la fin de l’après-midi lorsque les gens terminent de travailler. C’est inconfortable et on ne sait pas où se mettre. Une madame nous arrête et nous demande où nous allons dormir ce soir. Elle nous invite chez elle, à Bernham. C’est quand même 50 kilomètres plus loin et il est 16h. Mais d’ici là, il n’y a pas grand chose. On décide donc de pousser un peu et d’y aller, surtout qu’elle dit faire du tandem avec son mari et elle a l’air très gentille. On échange nos numéros de téléphone et nous repartons. Tout d’un coup, les voitures ne nous frôlent plus et on peut aller plus vite. On se rend bien vite compte qu’en fait, la madame nous suit avec son auto, obligeant les autres véhicules à la dépasser. Elle nous suivra ainsi jusqu’à ce qu’il y ait un accotement décent ! Nous arrivons chez elle un peu après 19h. Nous serons traités comme des rois. Nous apprenons que Lucy fait souvent cela, lorsqu’elle croise des cyclistes elle les invite chez elle. Tout en buvant une bière de microbrasserie du Texas, elle nous cuisine de l’agneau avec une patate douce bouillie. C’est délicieux. Ensuite nous irons dans «nos appartements». Nous avons une chambre avec une salle de bain privée dans laquelle se trouvent la douche…et le jaccuzzi ! Nous dormirons dans un vrai lit, le premier depuis Salt Lake City.


Il nous sera difficile de quitter ce confort, mais après un copieux déjeuner, on repart. La journée sera très humide et chaude. Nous prendrons plusieurs pauses et même après 5h de vélo, nous n’aurons parcouru que 66 km. Lors de cette journée, François va faire sa deuxième crevaison et 5 km plus loin, la chambre à air du pneu arrière d’Ariane va éclater. Il y a beaucoup de construction et probablement beaucoup de cochonneries et de matériaux pointus qui ont percé nos pneus et nos chambres à air. Toujours est-il que nous dormirons sous l’auvent d’une école primaire, à Stoneham. Il commençait à faire noir et la village n’avais pas de parc. Ce sera la nuit la plus chaude, nous dormirons sur nos sacs de couchage avec les portes des vestibules ouvertes. Nous ne dormirons pas très bien, entre autres à cause de la chaleur étouffante, l’humidité, les lumières de l’école, le bruit de la pluie et le tonnerre et les éclairs. Une véritable tempête a pris naissance cette nuit là. 


Au matin, on se lève à 6h et on ramasse nos affaires assez rapidement. L’école primaire commence tôt et nous sommes lundi. Lorsque nous sommes prêts à partir, la pluie s’abat. Il pleut tellement fort, il y a tellement d’éclairs qu’on dirait presqu’il fait jour. Nous attendrons 10 minutes, puis nous décidons de partir pareil, à 7h. On se dit qu’au moins il fait chaud et que l’humidité va tomber. Eh bien après environ 2h de vélo, le vent, qui était assez fort et de côté, change de direction pour devenir face à nous et la température chute de 10 degrés en quelques secondes. Et là, nous serons mouillés et frigorifiés. Nous prenons beaucoup de pauses pour nous réchauffer, nous sécher et nous motiver à continuer malgré les intempéries. Nous arrêtons lorsque nous trouvons un abri très grand dans un parc à Cut & Shoot (c’est le nom de la ville…). Nous ne sommes pas censés dormir dans ce parc, mais nous allons demander à la mairie et ils feront une exception pour nous. Notre matériel ne sera pas sec, car il fait froid.

Le 18 novembre, on quitte Cut & Shoot (trop comique comme nom de ville) après une nuit merdique. Notre sommeil a été troublé, car nous n’étions pas très à l’aise de dormir là. Les environs n’étaient pas très attirants, la route était juste à côté du parc, il y avait beaucoup de camions et il y avait le train…Les traits tirés, on pédale sur la 105 où la limite est de 70 mph. C’est assez achalandé et François va faire deux crevaisons l’une après l’autre. C’est 4-4. Nous verrons deux grands hérons et un cygne (on pense que c’en était un). Après la pluie phénoménale du jour d’avant, les fossés et les champs sont inondés. Nous ne pourrons pas camper n’importe où, on ne veut pas dormir dans un lac. Nous monterons le campement à côté d’un terrain de baseball abandonné. Il y avait plusieurs petits villages sans parcs ni endroits attirants pour dormir le long de notre route. Ce ne sera pas une journée magnifique dont nous nous souviendrons.


On quitte Batson jeudi matin le 19 novembre à 8h30. Notre départ sera retardé car le pneu avant de François sera dégonflé. On ne trouvera pas d'où l’air fuit, on va donc seulement repomper le pneu et partir comme ça. On arrive à Beaumont, dernière grosse ville dans l’est du Texas, vers 13h. Nous voulons faire l’épicerie et ensuite prendre une douche. Nous sommes sales depuis notre jaccuzzi de Bernham, quatre jours plus tôt. Personne ne sait où il y a des douches publiques, il n’y a pas de piscine d’ouverte à ce temps-ci de l’année… En dernier recours, on va dans un gym fitness et on se fait revirer de bord… Mais à la minute même où nous enfourchons nos vélos, la madame sort et nous dit : « ah mais, si vous voyagez à vélo et c’est juste pour une fois, vous être les bienvenus !». MERCI !

Bien propres, on va se diriger encore et toujours vers l’est. Quelle ne fût pas notre surprise lorsque nous constatons que la route sur laquelle nous sommes en rejoint une autre pour former une autoroute à quatre voies, la I-10…et que le pont qui traverse la rivière Niches n’a aucun accotement ! C’est terriblement dangereux, c’est clair qu’on se fait frapper, en plus que le milieu du pont est surélevé, les automobilistes ne nous verraient qu’à la dernière seconde et…NON.

On fait demi-tour et on décide de faire de l’auto-stop pour traverser le pont. Cela n’a pris que deux ou trois minutes avant qu’un camion ne s’arrête et nous embarque. Cela lui fait plaisir, il sait à quel point ce pont n’est pas agréable à traverser, même en voiture. Il trouvait ça drôle que deux voyageurs à vélo soient sur son chemin, ici à la bordure du Texas et de la Louisiane. Il nous débarque de l’autre côté de la rivière et nous nous rendons jusqu’à Cedar Rose. On voit un RV Park et on s’y dirige pour demander de l’eau. Si jamais on trouve une place pas pire au milieu de nulle part, on veut pouvoir cuisiner. Finalement, après avoir deviné ce qu’il nous disait, le propriétaire est tellement impressionné par notre voyage qu’il nous offre de dormir dans une de ses roulottes ! L’accent du sud peut parfois être ardu à comprendre pour nous, francophones. Nous pouvons cuisiner sur le four, prendre notre douche à l’eau chaude et dormir à l’abri des moustiques. C’est que dans ce coin-là, c’est humide avec la pluie qu’il y a eu et nous avons croisé un ou deux bayous sur le chemin après Beaumont. Un bayou veut dire «sinuosité», c’est un bras secondaire d’un cours d’eau dans un méandre abandonné. C’est un cours d’eau très lent et souvent, les arbres poussent en plein milieu. On retrouve des bayous en Louisiane et dans les environs du Mississippi.


Nous quittons Cedar Rose à 8h, après que notre hôte Clint nous ait pris en photo (il était vraiment très impressionné!). Cette journée fût spéciale pour deux choses : nous atteignons 6000 km et nous traversons en Louisiane, notre 9e état !  L'oiseau emblématique de la Louisiane est le pélican. Nous n'en verrons malheureusement pas, car ils ont migré une semaine avant notre arrivée. Nous verrons par contre plusieurs de ces oiseaux blancs, dont nous ne connaissons même pas le nom ! L’accotement n’est pas super et l’asphalte est assez maganée. Après 6h de vélo, nous montons la tente dans un stade de baseball à Ragley, Louisiane. Notre souper sera délicieux, un riz au curry. Voici un aperçu des ingrédients pour notre souper. Comme quoi, même à vélo on peut se concocter des soupers raffinés !

- riz
- lentilles (pour les protéines)
- saucisses tranchées et rôties
- carottes
- oignons
- poivrons
- champignons
- petits morceaux de bacon séché
- tomates séchées
- fromage
- lait (en poudre)
- curry
- plusieurs autres épices

C’était vraiment très bon. Nous mangeons souvent du riz ou des pâtes, mais nous varions aussi avec du pâté chinois (parfois modifié), des nouilles grecques, des burritos, etc. Nous arrêtons dans une épicerie à chaque deux jours environ pour avoir des légumes frais et ne pas avoir à trainer des boîtes de conserve pendant trois jours, c’est un poids inutile.




Faire à souper, c’est un plaisir du soir. On arrive au campement que nous avons choisi, on monte la tente ou on s’étire en premier, dépendant où nous sommes. Ensuite on souffle nos matelas, on sort le sac de couchage et nos trucs pour le soir (vêtements, sac cosmétiques, etc). On se change et puis on fait à souper. C’est réconfortant de bien manger, cela nous donne de l’énergie et nous motive à continuer la route. Au début du voyage, il y avait toujours quelque chose de nouveau à voir, à visiter. Il y avait les nombreux parcs nationaux que nous voulions visiter, il faisait beau et chaud, nous pouvions nous tenter un peu n’importe où. Ici, avec les bayous, la pluie et l’humidité, on ne peut pas vraiment installer la tente sur un terrain vague, tout est détrempé. Il y a beaucoup plus de vie sauvage, d’animaux et d’insectes. Les paysages ne sont pas toujours beaux, c’est rapidement devenu la forêt. Depuis Austin, les arbres sont nombreux. Les pins sont très hauts et les magnolias sont massifs. On est peut-être fatigué aussi, nous ne prenons pas souvent de jours de vrai repos. On pédale tous les jours et c’est un peu routinier à la longue. On décampe, on pédale, on arrête acheter à manger, on se cherche un endroit pour dormir, notre sommeil est souvent perturbé. Enfin, il y a toujours quelque chose qui nous émerveille ou qui nous stimule, ou encore qui nous dérange.

En partant de Ragley, nous savions que nous allions devoir traverser un pont qui enjambe le fleuve Mississippi, juste avant la ville de Bâton-Rouge. Ce pont est encore plus dangereux que celui à Beaumont et il est plus long. Après 5h40 de vélo, nous arrêtons à Krotz Spring où un autre pont nous incite à faire de l’auto-stop. Il est 16h, c’est la semaine de l’Action de grâce américaine, les écoles sont fermées et beaucoup de gens sont en congé. Après presque vingt minutes, un monsieur s’arrête et nous embarque, direction Bâton-Rouge. Et nous sommes tellement contents d’avoir fait du pouce exactement à cet endroit, car la route longe des bayous pendant plusieurs kilomètres et les ponts sont étroits avec des gardes, sans accotements. Il aurait été impensable de rouler à vélo là-dessus, à cette heure et avec la noirceur qui approchait, cela aurait été suicidaire. Le monsieur ne veut pas nous laisser n’importe où à Bâton-Rouge, car il fait noir, la ville est immense et il n’est pas sécuritaire d’y circuler la nuit. un cycliste est décédé le soir d’avant, happé par un véhicule. Nous irons donc monter notre tente à côté du «fifth wheel» du monsieur (c’est sa maison, comme de nombreux autres américains dans le sud des États-Unis) à Dutchtown, un arrondissement de Prairieville. Nous avons fait un bond plus long que prévu, mais nous avons «sauvé» une journée avec ce transport. 


Nous passerons une très belle nuit, mais très froide. Il y aura du frimas sur la tente au matin. Nous quittons Dutchtown à 7h30 en direction de la Nouvelle-Orléans ! Il fait froid, nous sommes habillés chaudement et il vente. L’accotement est étroit et parfois, il y a tellement de trous et de bosses qu’il nous est impossible de rouler dessus. Nous sommes contraints de rouler dans la voie de droite… Par chance, il n’y a pas beaucoup de circulation. L’autoroute 61 (ou la Airline), nous demande de la concentration. Il faut rouler droit pour ne pas trop gêner les autos, dès que l’accotement est beau, il faut y aller et passer par-dessus la ligne de bosses (celle qui indique aux voitures qu’il sortent de leur voie). Bref, ce ne sera pas une journée de tout repos.


Aussi, en Louisiane, il y a de l'huile. Beaucoup d'huile. Il y a de nombreuses raffineries le long des rivières, nous en voyons plusieurs de loin à cause des flammes et de la fumée.  Comme nous serons en ville le soir-même, nous essayons de trouver un «Warmshower» qui nous accueillera. Nous devons arrêter souvent lorsque nous voyons des fast-food avec un Wi-Fi gratuit pour nous connecter et consulter nos messages ou en écrire d’autre. Il nous sera difficile de trouver une place pour la nuit. Par chance, nous trouvons quelqu’un chez qui nous irons passer les deux nuits suivantes. Mais pour se rendre au centre-ville de la Nouvelle-Orléans… Ayayaye ! La Airline n’a plus d’accotement, on se fait klaxonner, c’est l’heure du traffic, il est 17h. Nous tricotons dans les petites rues, il fait noir, il y a des voitures partout, des feux de circulation… Bref, nous sommes ralentis par tout. On commence à pester contre la Nouvelle-Orléans, ce n’est même pas une ville cyclable, c’est dangereux, bla bla bla… Et tout d’un coup, comme par magie, on voit une pancarte : «Bikes may use right lane». Hen ouin ?! Eh bien on la prend au complet, la voie de droite ! Super ! Les derniers kilomètres sont plus faciles et agréables. Nous parvenons chez Régina à 17h50. Nous discuterons toute la soirée de la Louisiane, de l’utilisation de la langue française dans l’état, du racisme et de ce qui est adevenu des esclaves d’il y a 200 ans, de l’ouragan Katrina et de ses conséquences, etc. 

Après une longue et excellente nuit, nous partons visiter le quartier français. Il nous est presque familier, un peu comme le Vieux-Québec, mais en Louisiane. La température sera un peu plus fraîche en soirée, mais pour la fin du mois de novembre, on pourra souper dehors ! Nous irons chez des amis à notre hôte, Régina, souper et boire quelques bières. Nous rencontrons quelqu'uns de ses amis, eux-aussi des cyclistes. Ils nous poseront des questions sur notre accent et notre voyage. Ce sont des gens dans la fin vingtaine qui nous poserons aussi des questions à propos du nouveau premier ministre au Canada et nous demanderons notre opinion à ce propos. Nous passerons une très agréable soirée :) Nous avons aussi goûté au Kumquat, petites sortes de clémentines, mais on les mange avec la pelure. Très bon !

Demain, nous repartons déjà en direction du Mississippi. Nous longerons le plus possible le bord du golfe du Mexique avec les recommandations de nos nouveaux amis. Nous n'avons peut-être pas visité tous les endroits «à voir» de la Nouvelle-Orléans, mais nous avons découvert un autre attrait...les locaux !



Le centre-ville de la Nouvelle-Orléans




Bourbon Street




Un bateau festif au port




Ariane dans la voie cyclable au centre-ville de la Nouvelle-Orléans



Un château au centre-ville...